Un
officier qui fait scandale
En
octobre 1876, il était donc entré à cette fameuse
école militaire de Saint-Cyr. Au début tout allait
bien. Mais ce n’était pas une école de demoiselles.
La discipline de l’école se révéla plus sévère
que celle des jésuites. Il ne s’intégrait pas.
Il n’avait vraiment rien de militaire, ce gros
garçon de dix-huit ans au corps empâté, au visage
gras au milieu duquel luisaient deux yeux brun
foncés que la colère ou la passion illuminaient
parfois. L’ennui, dû à la routine de cette école-caserne,
se mit à le ronger.
En octobre 1877, il réintégra Saint-Cyr pour sa
deuxième année. Et l’ennui le submergea de nouveau.
L’homme qui avait remplacé son père et qu’il aimait,
le colonel de Morlet, mourut le 3 février 1878.
Le 15 septembre 1878, Charles est majeur et doublement
maître de son héritage : celui de ses parents
et une partie de celui du colonel Morlet. Il fut
admis, le 31 octobre 1878, à l’Ecole de Cavalerie
de Saumur. Malheureusement, le cheval n’intéressait
que médiocrement Charles.
Le dimanche, il s’enfermait dans sa chambre. Il
fume les havanes les plus chers du monde. il se
“tisonne” avec des lectures canailles, il fit
venir les plus belles filles de Paris, les installa
dans une maison qu’il avait louée proche de l’école.
Il s’ennuie. Il est fatigué de tout. Il fugue
comme un enfant. Reçu de justesse à l’examen de
sortie, il emportait cette note infamante de l’inspection
générale : «Conduite médiocre ; connaissances
scientifiques néant. N’a fait qu’un cours médiocre…»
Au sortir de Saumur , le sous-lieutenant de Foucauld
fut affecté à Pont-à-Mousson, au 4e régiment de
hussards.
Comme tant de jeunes officiers de son époque,
privilégiés par la fortune, il recherchait une
vie où le plaisir l’emportait largement sur le
devoir. D’abord heureux de jouir de la vie, Charles,
comme à Saumur, s’enfonce dans l’ennui et l’insatisfaction
dès qu’il a fait le tour des plaisirs faciles,
il sait que jamais, ils ne combleront le vide
de son coeur né de son enfance meurtrie
et de la perte de la foi.
Puis il y eut Mimi. Avisée de cette liaison, sa
famille s’en émeut, elle tremble qu’il ne l’épouse
ou qu’elle ne le ruine. Côté armée, on prend cette
affaire banale au sérieux. Charles s’affiche trop
avec Mimi. Charles n’est pas chassé de l’armée,
il est temporairement mis hors cadres, sans solde,
pour une durée indéterminée. Il se retire à Evian
avec sa maîtresse, à l’hôtel de France, splendide
établissement, où il continue à pomper
son héritage.
Le 5 mai 1881 , Charles, qui restait en relations
épistolaires avec ses camarades, reçut une lettre
timbrée de Sétif. Le régiment allait partir en
Tunisie pour mater la révolte des Kroumirs. L’officier
se réveilla lentement, comme émergeant d’un rêve.
Après des adieux à Mimi, qui reçut une substantielle
compensation financière, il embarqua le 20 juin
à Marseille, pour Oran. Un autre homme était en
train de naître. Il ne le sait pas encore, mais
le désert est une invitation et une purification
de l’âme.
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